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Plasseraud IP position mark
Marques & Modèles

La qualification d’une marque en tant que marque de position ou de marque figurative a-t-elle une incidence quant à la preuve de l’usage sérieux ?

Newsletter Octobre 2019

Marque de position ou marque figurative ?

Une marque de position, type de marque qui compte parmi les marques non traditionnelles, est une marque qui se caractérise par la façon spécifique dont elle est placée ou apposée sur le produit.
Les marques de position sont très souvent utilisées pour conférer une protection dans le secteur de la mode, pour conférer par exemple une protection :

- pour des éléments de décors de chaussures :

 
N° 017291881

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 1

 

N° 017901400

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 2

 

N° 018033368 

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 3

 

- pour des décors de vêtements : 

N° 018021972

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 4

 

 

N° 018021831 

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N° 018015719

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 6

-  pour des décors de branches de lunettes :

 N° 018017536

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N° 018017541 

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 8

 

 N°018072082

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 9

 

Depuis la transposition de la Directive (UE) 2015/2436 dans le Règlement des marques de l’Union européenne, elles peuvent être déposées en tant que marques de position.

Ces marques étaient auparavant déposées le plus souvent en tant que marque figurative, c’est-à-dire une marque constituée d’éléments figuratifs, d’une stylisation originale ou de couleurs.

Les Directives d’examen de l’EUIPO recommandaient toutefois de préciser dans la description que la marque était en fait une marque de position, et de représenter cette marque en traits pleins, les traits discontinus utilisés pour indiquer la position de la marque sur le produit étant exclus de la protection.

Une difficulté pouvait donc subvenir lorsqu’il fallait attester de l’usage d’une marque de position : les éléments des marques enregistrées comme marques figuratives mais utilisées comme marque de position et dont la protection n’était pas réclamée devaient–ils être pris en considération ?

C’est à cette question qu’a dû récemment répondre la Cour de Justice de de l’Union européenne le 6 juin 2019 (C-223/18P Deichmann SE / EUIPO - Munich SL).

Marque figurative : faits et procédures

La société MUNICH SL avait déposé le 6 novembre 2002 la marque de l’Union européenne n° 2923852 ci-dessous reproduite, pour des chaussures de sport : 

Plasseraud IP marque de position ou marque figurative - illustration 10

Cette marque avait été déposée comme marque figurative, sans qu’aucune mention dans la description de la marque ne vienne expliciter la nature réelle de la marque, contrairement aux prescriptions des Directives d’examen en vigueur au moment du dépôt.

Elle est constituée de deux éléments figuratifs distincts, un élément représentant la chausse formé par des lignes discontinues et une croix apposée sur le bord extérieur de la chaussure, en traits pleins.

La société MUNICH SL a initié une action en contrefaçon sur la base de cette marque à l’encontre de la société DEICHMAN, qui commercialisait des chaussures de sport portant une croix sur le bord extérieur.

La société DEICHMANN a répliqué en cherchant en obtenir la déchéance de la marque invoquée pour défaut d’usage. 

Le débat portait notamment sur la recevabilité des preuves fournies ; le requérant, la société DEICHMANN contestait leur recevabilité, en considérant qu’elles attestaient d’un usage pour une marque de position alors que la marque avait été déposée comme marque figurative.

Selon la société DEICHMANN, les lignes discontinues faisaient en effet partie intégrante de la marque, qui ne pouvait être appréciée que comme une marque figurative.
La réponse à cette question revêtait une importance cruciale : la marque devait-elle être exploitée pour l’ensemble du signe déposé, si l’on retenait la qualification de marque figurative comme le demandait la société DEICHMANN, ou pour l’élément indiquant sa position sur le produit, si l’on prenait en compte l’usage de la marque en tant que marque de position ?

Dans l’affaire en référence, la Chambre de Recours de l’EUIPO a considéré que le type de marque indiqué lors du dépôt n’implique pas nécessairement que l’usage de cette marque soit nécessairement apprécié par rapport au type de marque indiqué.

L’EUIPO a ainsi considéré que les lignes discontinues figurant dans le modèle de marques ne devaient pas être prises en considération dans le cadre de la fourniture de preuves attestant de l’usage de la marque, même si cette marque avait été déposée en tant que marque figurative, dans la mesure où rien ne permettait d’exclure que la protection revendiquée portait sur la seule croix en traits pleins.

Cette analyse a été confirmée par le Tribunal puis par la Cour de Justice de l’Union européenne : « … le Tribunal s’est essentiellement fondé sur la représentation graphique de la marque en cause, indépendamment de sa classification, aux fins d’apprécier l’existence ou non d’un usage sérieux de celle-ci, lorsqu’il a relevé, aux points 40 et 42 à 44 de cet arrêt, que la protection sollicitée visait uniquement une croix constituée de deux lignes noires interposées, représentées en traits continus et que les traits en pointillés, formant les contours de la chaussure de sport et ses lacets, devaient uniquement permettre de délimiter plus aisément l’emplacement du graphisme sur le côté latéral de la chaussure » ( paragraphe 41). Ce qui est important dans la détermination de la nature de la marque est « …. que la représentation graphique d’une marque doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective » (paragraphe 44). 

« Le fait que la marque en cause a été enregistrée en tant que marque figurative n’importe pas en l’espèce aux fins de déterminer l’étendue de la demande de protection. En effet, lors de l’appréciation des caractéristiques d’un signe, peuvent être pris en considération, outre la représentation graphique et les éventuelles descriptions déposées lors du dépôt de la demande d’enregistrement, d’autres éléments utiles à l’identification convenable des caractéristiques essentielles d’un signe » (paragraphe 44).
 

Que retenir de cette décision ?

À la date de dépôt de la marque en 2002, les Directives d’examen de l’EUIPO précisaient que la nature de marque de position devait être indiquée dans la description de la marque. Toutefois, la décision de la CJUE statuant sur la présente affaire a bien indiqué que ces Directives « … ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union » (paragraphe 4).

La Cour a donc rejeté le recours et confirmé la décision du Tribunal en ce qu’il avait considéré que le dépôt de la marque en tant que marque figurative et non comme marque de position était inopérante dans l’appréciation de son usage. La Cour a directement déduit de la représentation graphique de la marque que la protection conférée portait uniquement sur la croix constituée de deux lignes noires s’entrecroisant, représentées en caractères pleins.

Il importe toutefois de noter qu’un dépôt, fait en accord avec les Directives de l’époque, aurait inclus une description, ce qui aurait sans doute permis d’éviter cette controverse sur la recevabilité des preuves d’usage.

Il convient de noter que depuis le 1er octobre 2017, le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 requiert qu’une marque de position soit « représentée par la soumission d’une reproduction identifiant dûment la position de la marque et sa taille ou proportion par rapport aux produits concernés. Les éléments ne faisant pas l’objet de l’enregistrement sont visuellement ignorés, de préférence par la présence de lignes discontinues ou pointillées. La représentation peut être accompagnée d’une description détaillant la façon dont le signe est apposé sur les produits ».

La question posée à la Cour dans cette affaire, qui portait sur la recevabilité de l’usage d’une marque figurative comme marque de position, lui permet de montrer une certaine souplesse et un pragmatisme affirmé dans le cadre de la classification de la marque. En sera-t-il ainsi quand, avec l’accroissement des dépôts des nouveaux types de marques (marques de position, marques sonores, marques multimédias …), il faudra trancher des conflits entre des marques relevant de catégories différentes ? L’avenir nous le dira.  

Les experts de Plasseraud IP Marques & Modèles sont à cet égard à votre disposition pour rechercher avec vous la meilleure qualification pour les signes que vous entendez protéger à titre de marque, en France comme devant l’EUIPO et pour procéder aux démarches adéquates.
 

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