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De l’intérêt de la médiation dans le règlement des différends internationaux

Newsletter Mars 2022
Rédigé par Jean-Marc Coquel

Il y a encore peu, les conflits en matière de propriété intellectuelle étaient avant tout entendus par des tribunaux nationaux. 

Le règlement d’un différend international en matière de propriété intellectuelle pouvait ainsi entraîner une multiplication des procédures contentieuses, parfois avec des traitements distincts par des systèmes juridiques différents, et par conséquent, avec le risque d’obtenir des décisions non uniformes pour une même affaire.

Or, « l’Innovation », au sens large, est devenue la pierre angulaire de l’évolution de nos sociétés. 

De plus, la forte croissance des échanges commerciaux observée au niveau mondial, bien que temporairement ralentie par la pandémie du COVID-191, confère une importance toujours plus grande à la propriété intellectuelle.

Dans le monde multipolaire et hautement numérisé d’aujourd’hui, le règlement des différends internationaux en matière de propriété intellectuelle par voie extrajudiciaire est regardé de plus en plus comme la solution adéquate, lorsque la nature du conflit s’y prête.

Les raisons pour privilégier cette approche tiennent non seulement dans le gain de temps, dans la maitrise de la procédure mais également dans la minimisation des coûts à engager par rapport aux procédures judiciaires.

Une autre logique est le nécessaire contrôle de l’image de marque et de l’e-réputation d’un acteur privé dans l’espace réel et dans l’espace digital, ce dernier jouant un rôle toujours plus grand, notamment avec l’e-commerce.

Bien entendu, pour apaiser un différend international, les intervenants, qu’ils soient personnes morales ou physiques, pouvaient déjà naturellement chercher à mener des négociations informelles avant de saisir des tribunaux étatiques ou arbitraux.

Des négociations

En France, le recours à la négociation est ainsi largement ouvert pour mettre un terme à « une contestation née ou pour prévenir une contestation à naître » (Article 2044 et suivants du Code Civil).

De telles négociations peuvent encore être observées après la saisine du juge ou de l’arbitre. Tel peut être le cas, lorsque, compte tenu de la durée des procédures contentieuses, des coûts et/ou encore des risques encourus, une partie ayant par exemple pris nettement l’avantage sur une autre, les contingences de la vie d’une entreprise prennent le dessus sur l’affect initial sous-tendant le litige en matière de propriété intellectuelle. 

En France, « Les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l'instance » (Article 128 du Code de proc. civ.).

Toutefois, ce type de négociation peut rapidement montrer ses limites, notamment lorsque la solution est imposée à l’autre partie par un rapport de force.
 
Au contraire, l’approche par la négociation raisonnée a pour objet de satisfaire les intérêts de chacune des parties.

De la négociation raisonnée

Cette méthode dite encore gagnant/gagnant a été mise au point par les professeurs Roger Fisher et William Ury de l’Université de Harvard. Leur ouvrage "Getting to Yes, negotiating agreement without giving in"2 publié, il y a maintenant quarante ans, décompose cette méthode en quatre principes de négociation :
 
(i) Traiter d’abord les questions de personnes pour séparer celles-ci du problème, ou du différend, à résoudre,
(ii) se concentrer sur les intérêts en jeu (divergents et communs), et non sur des positions,
(iii) explorer le champ des possibles en développant le plus grand nombre d’ « options », c’est-à-dire de solutions élaborées par les parties prenantes dans le cadre de la négociation, certaines de ces options pouvant procurer un bénéfice mutuel, et
(iv) décider sur la base de critères objectifs acceptés par les parties. 

Les parties pouvant suivre une ou plusieurs voies alternatives n’impliquant pas de négociation avec l’autre partie (par exemple, procès, voie arbitrale, …), chacune d’elles doit encore garder à l’esprit que « si elle négocie, c’est pour obtenir un résultat supérieur à celui qu’elle pourrait espérer sans négociation »3

Elles sont donc amenées à définir au moins deux positions de repli en cas de non-accord, lesquelles sont respectivement connues sous l’acronyme de BATNA (Best Alternative to a Negotiated Agreement) et de WATNA (Worst Alternative to a Negotiated Agreement). Le BATNA constitue en quelque sorte le plan B, ou le plan de secours, si la négociation n’aboutit pas.

Ces critères clés assortis chacun d’une probabilité de réalisation, permettent à chaque partie de se prémunir contre l’acceptation d’un accord défavorable ou le rejet d’un accord avantageux.

Cette approche constitue le fondement d’une prise de décisions éclairées.

De l’intérêt de la médiation

Avantageusement, les principes de la négociation raisonnée constituent le socle de toute médiation.

L’attrait de la médiation en tant que mode alternatif de règlement des différends (MARD) est encore renforcé par l’intervention d’un tiers neutre, indépendant et impartial, le médiateur, qui par sa pratique, sa capacité d’écoute et le cadre de la médiation qu’il va poser, permettra aux parties et à leurs conseils habituels de se concentrer uniquement sur le fond du différend à négocier. 

Outre l’attrait intrinsèque du processus de médiation, son développement dans le règlement des différends internationaux tient également au puissant mouvement de déjudiciarisation auquel nous assistons depuis plusieurs années, non seulement en France mais également aux Etats-Unis d’où il est parti, et en Europe4, lequel est alimenté par plusieurs considérations.

Tout d’abord, un tel mouvement vise une meilleure administration de la justice en concentrant les moyens matériels et humains de l’institution sur certains types de contentieux. 

Il vise également l’intérêt des parties. Le recours à la médiation a en effet pour objet de satisfaire les besoins des parties tout en reconstruisant le lien social entre celles-ci. On cherche ainsi à éviter qu’un litige ne puisse renaître ultérieurement, comme une flamme renaîtrait d’un feu éteint en surface mais qui couverait toujours en son cœur.

Ainsi, lorsqu’un différend en matière de propriété intellectuelle a des ramifications sur le plan international, il est de l’intérêt des parties de tenter d’y apporter une solution globale par la médiation. 

C’est vrai lorsque certains des territoires concernés par ce différend présentent des standards de protection en matière de propriété intellectuelle dissemblables, et notamment des niveaux de protection inférieurs à ceux accordés par d’autres. 

Cela peut s’avérer encore plus essentiel lorsqu’un ou plusieurs de ces territoires ne sont pas membres de l’accord sur les ADPIC (Accord sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce), lequel établit des normes minimales de protection des droits de propriété intellectuelle qui doivent être prévues dans la législation nationale de chaque Membre de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce). 

En effet, dans ce ou ces territoires, la personne physique ou morale, victime d’actes de contrefaçon, est dans l’impossibilité de faire valoir efficacement ses droits de propriété intellectuelle.

En conclusion, et face à ces défis, les maîtres mots sont l’anticipation et la préparation.
 
Nos experts se tiennent à votre disposition pour vous accompagner et convenir de concert de la solution la plus adaptée pour régler vos litiges à venir, comme les litiges en cours.


Communiqué de presse de l’OMC en date du 31 Mars 2021

"Getting to Yes, negotiating agreement without giving in", by Fisher and Ury, 2nd edition, Editor-Bruce Patton (1993-01-19)

"Comment réussir une négociation", De Fisher, Ury et Patton, 2006 Le Seuil (P) 2021 Éditions Alexandre Stanké

Mission GIP Droit et justice, Professeurs Sylvie Cimamonti et Jean-Baptiste Perrier, le colloque du 7 juin 2019

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